L'AFRIQUE DU SUD DES HUGUENOTS
Mon premier livre : l'Afrique du Sud des huguenots, histoire d'une énigme
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Bon voyage
[1] Le mot énigme n’apparait que dans le titre du paragraphe : « Le Cap et l’énigme afrikaner ».
[2] Rappelons que l’Afrique du Sud n’est fondée qu’en 1910.
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Étape 6
L’héritage religieux
Au temps des huguenots, la ville de Paarl n’existe pas. La région, appelée le Drakenstein, est uniquement parsemée de fermes éloignées les unes des autres. C’est au sud de la future Paarl que le pasteur Pierre Simond fait construire, dans un lieu-dit toujours appelé Simondium, le premier lieu de culte pour ses fidèles disséminés. La vieille église étant endommagée par la tempête, la congrégation huguenote décide en 1717 de financer un nouvel édifice, construit un peu plus au nord. Mais cette église est détruite pour laisser la place à l’actuelle strooidakkerk (église au toit de chaume) datée de 1805. L’architecte, Louis-Michel Thibaut[1], conçoit cette église en croix grecque. Que reste-il alors du passé huguenot ? Au Simondium, se trouve une pierre commémorative avec l’inscription suivante : « La première église huguenote était située ici, au-delà de la piste, de 1695 à 1718 environ ». La strooidakkerk est toujours appelée l’église des huguenots et des noms bien français se trouvent sur les stèles du cimetière attenant : les Desprez, Dutoit, Le Roux…
L’héritage viticole
La route du vin de Paarl mériterait d’être aussi connue que celle de Stellenbosch. Le Nouveau wine festival, qui commence le premier samedi du mois d’avril, est un moment fort dans la vie de la cité. Les nombreux producteurs de vin sont soit des vignerons indépendants, dont les propriétés sont appelées Wine farms ou Estate wine pour les plus réputées, soit des coopératives, dont la puissante KWV[2]. Le siège de la coopérative se trouve à Paarl, à La Concorde… une ancienne ferme huguenote fondée par Gabriel Le Roux[3]. Le KWV s’enorgueillit d’y avoir le plus grand nombre de foudres de vin au monde dans son cellier monumental, le cathedral cellar.
Le laborie estate est également une fondation huguenote, celle des Taillefert[4] venus de Château-Thierry. Laborie ne fait donc pas allusion aux constructions en pierres de Provence. C’est une déformation de « la Brie ». Suzanne Briet, originaire de Monneaux, épouse en 1671 Isaac Taillefert. Après la mort de son mari, elle prend en main l’exploitation déjà connue pour la qualité de son vin. Suzanne serait-elle la première viticultrice d’Afrique du Sud ? Toujours est-il que sa fille, Élisabeth, fut la première à exporter des tonneaux de vin vers l’Europe. Je vous conseille l’adresse, soit pour une dégustation, soit pour un repas.
Le taalmonument en épilogue
Le monument de la langue afrikaans, seule œuvre au monde dédiée à une langue, domine la ville. Je vous propose de le découvrir dans ses dimensions, historique, littéraire et symbolique.
Le monument est érigé en 1975 pour célébrer un centenaire et un cinquantenaire. En 1875 est fondée à Paarl l'«Association des vrais Afrikaners»[5]. L’objectif de l’association est de donner à l’afrikaans ses lettres de noblesse, de l’imposer comme langue officielle à côté de l’anglais au détriment du néerlandais. En 1925 l’afrikaans devient la deuxième langue officielle de l’Afrique du Sud. Le pasteur du Toit est un des membres les plus célèbres de l’association. Il est le rédacteur-en-chef de la première revue en afrikaans, Die Afrikaanse Patriot. Il publie le premier livre d'histoire des Afrikaners, évidemment en afrikaans, «L'histoire de notre pays dans la langue de notre peuple[6]». Il y fixe les moments forts du roman national afrikaner, le grand trek identifié à l’exode, l’odieux meurtre de Retief, la brillante victoire de Blood river…
L’architecte, Jan van Wijk, s’est inspiré de la littérature pour concevoir le monument. Deux textes en afrikaans[7] sont d’ailleurs visibles à l’entrée. C.J. Langenhoven évoque la croissance de la langue identifiée à des piliers de plus en plus hauts. N.P. Van WykLouw voit l’afrikaans comme un pont entre les cultures des différents continents. «L'afrikaans est la langue qui relie l’Europe de l'ouest et l'Afrique. Il forme un pont permettant le contact entre la grandeur de la civilisation occidentale et la magie de l'Afrique. Et tout ce qui peut naître de majestueux de leur union, l'afrikaans devra sans doute le découvrir dans les années à venir. Mais nous ne devons jamais oublier que c’est ce changement de pays et de paysage qui a poli, brassé et tissé cette nouvelle-née parmi les langues. Et ainsi l'afrikaans a pu faire entendre l’histoire de cette nouvelle terre. Nous sommes maintenant responsables de l'utilisation que nous faisons et que nous ferons de cet outil admirable.» Le taalmonument doit être interprété comme une œuvre symbolique. Le pilier le plus élevé représente la langue afrikaans en pleine croissance. Le pilier creux placé à côté est la République sud-africaine, écrin qui a permis à la langue de se développer. Les colonnes de gauche symbolisent l’héritage européen, donc les langues du vieux continent. Les trois dômes à droite représentent l'Afrique magique et l’influence des langues africaines. Le pilier dans l’escalier est associé à la langue malaise[8]. Le monument est représentatif d’une époque, celle de l’Afrique du Sud de l’apartheid, l’afrikaans étant la langue de ceux qui la mirent en place. C’est d’ailleurs la volonté d’imposer l’afrikaans à l’université qui provoqua les émeutes de Soweto… une autre page d’histoire sud-africaine, bien éloignée de celle des huguenots.
[1] Louis-Michel Thibaut (1750 – 1815) est un ingénieur et architecte français émigré en Afrique du Sud.
[2] Koöperatieve WijnbouwersVereniging van Zuid-Afrika
[3] Originaire de Blois, arrivé en 1688.
[4] Arrivés en 1688.
[5] Die Genootskap van Regte Afrikaners.
[6] Die Geskiedenis van ons Land in die Taal van ons Volk.
[7] L’étude des lettres écrites en néerlandais par les huguenots a démontré que les réfugiés français avaient participé au processus de simplification de la langue.
[8] L’indonésien fait partie des langues malaises