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Le blog de Liens protestants, le journal protestant du nord

Les fêtes juives (avril 2006): Pessah, Kippour, Soukkot...

31 Juillet 2009 , Rédigé par Liens protestants Publié dans #2006

Éditorial

 

Les fêtes juives

 

 

Ce mois d’avril nous célébrons Pâques et nous commémorons la mort et la résurrection de Jésus-Christ. Si Pâques est une fête chrétienne, elle est aussi réinterprétation de la fête juive de Pâque. À cet égard, la nouveauté apportée par Jésus ne peut être perçue sans connaître le judaïsme. Si Jésus le Galiléen vient à Jérusalem, c’est pour célébrer la fête juive de Pâque qui commémore la sortie d’Égypte et la libération du peuple juif. Le repas dit de la cène est celui de la Pâque juive.

Ainsi, consacrer notre dossier aux fêtes juives, c’est découvrir le judaïsme, mieux connaître le monde où vivait Jésus et redécouvrir la nouveauté apportée par le christianisme. Nous vous présenterons dans ce numéro les principales fêtes juives, celles du temps de Jésus, mais aussi celles d’aujourd’hui. Nous poserons également la question de l’origine de ces fêtes. Faut-il y voir des fêtes agricoles ou des fêtes commémoratives des grands moments de l’histoire du peuple juif ?

 

Bonne lecture et joyeuses fêtes de Pâque(s) 

LP

Ancien Testament

 


 



Origine des fêtes en Israël et tradition biblique

 

D’où viennent les grandes fêtes juives : Pâque, Pentecôte et la fête des Tentes ? Que célèbrent-elles ? L’étude des textes bibliques montre que ces fêtes de pèlerinage (célébrées une fois par an à Jérusalem) ont fait l’objet d’un continuel travail d’interprétation au fil de l’histoire.

 

Noms et origine des fêtes de pèlerinage

Pâque ou pessah. Le mot pessah joue sur une racine « sauter, passer par dessus ». En Égypte, Yhwh a épargné les maisons israélites, « en sautant par-dessus » pour s’en prendre aux seuls Égyptiens (Ex 12,13). Pâque est une nuit de veille pour les Israélites, qui se rappellent comment Dieu a veillé toute une nuit sur Israël avant la sortie d’Égypte (Ex 12,42). La Pâque se compose de deux rites qui redisent cet événement.

Le rite des pains sans levain (matsot, azymes) pris rapidement, pour sortir, provient d’une fête agricole à l’occasion de la première moisson de l’année (moisson des orges), fête qui durait sept jours au cours desquels on mangeait du pain fait avec les nouveaux grains, en renonçant au levain lié à l’ancienne récolte. Il s’agissait d’un rite de recommencement. Ce rite des pains sans levain a pris toute son importance au moment de l’Exil (6ème siècle av. J-C.) pour compenser l’impossibilité du sacrifice pascal au temple de Jérusalem détruit par les Babyloniens.

La Pâque est liée à l’abattage d’un agneau/chevreau. La cérémonie est traditionnellement

rattachée à une fête pastorale de printemps pré-israélite, marquée par le sacrifice d’un jeune animal avec un rite de sang destiné à obtenir la fécondité des troupeaux. Des attestations de ce rite sont connues de tribus primitives. Le badigeonnage des montants des portes est un rite pour chasser les démons et protéger le clan lors des transhumances. Un tel lien est tout à fait possible. Cependant Ezéchiel (45,18-21), prophète du 6ème siècle av. JC, mentionne la Pâque et la purification du Temple par l’aspersion de sang sur les montants des portes. Certains suggèrent que le rite du sang de la Pâque provient de l’usage purificateur du sang au temple de Jérusalem. Le texte d’Exode 12 est une adaptation du rite du Temple aux maisons juives de la diaspora. Chaque maison devient un sanctuaire temporaire (lieu pur) permettant aux familles de vivre le rite de la Pâque dans un environnement païen.

La fête de la Pâque prend son essor sous au règne de Josias au 7ème siècle et devient alors une fête très importante de pèlerinage à Jérusalem, seul lieu où elle peut se célébrer selon le texte de Deutéronome 12. La Pâque participe au mouvement de centralisation et d’unification de Juda sous le règne de Josias. C’est à partir de ce moment que se fait l’uniformisation des rites de la Pâque et des pains sans levain (cf. Dt 16,1-8). Ce lien est favorisé par la proximité des dates de célébration de ces deux rites au printemps.

Pentecôte ou fête des Semaines, shavouôt. La fête se dit encore « fête de la moisson », « des prémices », « clôture ». La désignation indique le caractère agricole de la fête, fête du début de l’été avec la dernière moisson de l’année : la moisson du blé. L’expression « fête des Semaines, shavouôt » fait allusion aux anciens calendriers qui divisaient l’année en sept périodes de cinquante jours (d’où le nom Pentecôte). La fête comme temps du mûrissement est devenue plus tardivement « fête de l’alliance » (2Ch 15,10-15) et puis, dans le judaïsme tardif, fête du don de la Torah. Ce lien s’explique par la chronologie que l’on trouve dans Exode 19,1 : Israël arrive au Sinaï cinquante jours après la libération d’Égypte pour y recevoir l’alliance. La proximité des termes shavouôt « semaines » et shevouôt « serments » contribue à cette nouvelle signification.

Fête des cabanes, soukkot. Sukkah signifie « abri, protection ». Le caractère originel de la fête est agricole en tant que « fête des récoltes », « fête par excellence ». Elle est issue d’une ancienne fête du vin, des vendanges à la fin de l’été (Jg 9,34). Certains la relient à une fête de l’eau. Elle marquait en tout cas la fin des récoltes et l’attente d’une régénération apportée par la divinité et le don de la pluie. La signification de cette fête joyeuse, faite de processions, se retrouve en Zacharie (Za 14) où est évoqué le rassemblement des peuples à Jérusalem lors de la fête des Tentes dans une espérance de la manifestation de la royauté universelle de Yhwh aux temps derniers. Le rite qui consiste à construire des cabanes aux côtés des maisons provient des coutumes paysannes de construction de huttes dans les vignes et les vergers pour garder les récoltes mûrissantes. La fête commémore le séjour au désert dans des demeures provisoires et rappelle la vulnérabilité d’Israël dépendant de la délivrance de Yhwh (Soukkot répond à pessah). Une telle signification prend encore plus de force à l’époque postexilique (5e siècle av. J-C.) : l’Exil et le retour d’Exil sont vécus comme le temps au désert et une nouvelle sortie d’Égypte.

 

Tradition biblique et fêtes

Les trois codes législatifs de l’Ancien Testament rapportant les trois fêtes de pèlerinage (Ex 23,14-18 ; Lv 23,1-44 et Dt 16,1-17), relatent bien l’évolution de ces fêtes.

Le plus ancien, le code de l’alliance au début du 1er millénaire av. J-C., évoque (Ex 23) trois fêtes agricoles : fête des pains sans levain (récolte des orges) en lien avec la sortie d’Égypte, fête des moissons (récolte des blés), fête de la récolte (récolte des fruits d’automne). On y parle de pèlerinage sans préciser de lieu. Ces fêtes sont liées aux sanctuaires locaux où se trouvent les maisons de Dieu, elles célèbrent le Dieu qui soutient la vie rurale. Le texte d’Exode 23 ne mentionne pas la Pâque et reflète la pratique festive ancienne liée au rythme agricole de Canaan.

Le code deutéronomique au 7ème siècle av. J-C., actualise le code de l’alliance. Il donne déjà aux fêtes de pèlerinage leur aspect achevé. Le Deutéronome (16,1-8) associe alors le sacrifice de petit et de gros bétail pour la Pâque et la fête des pains sans levain pour célébrer le jour de la délivrance d’Égypte. La fête des Semaines dit la reconnaissance d’Israël pour les bénédictions de Dieu. La joie de la fête est à partager avec toute la maisonnée en souvenir de l’esclavage d’Égypte. Enfin, la fête des Tentes est aussi un temps de reconnaissance pour la bénédiction accordée. Le Deutéronome insiste sur l’unique lieu de pèlerinage, Jérusalem, la demeure où Dieu a choisi de faire demeurer son Nom. Le chapitre 16 reflète bien le contexte de l’époque du roi Josias avec la centralisation du culte sur Jérusalem et la mise en place d’une nouvelle pratique religieuse, Dans le deuxième livre des Rois (2R 22-23) dans laquelle les fêtes de pèlerinage ont une grande place.

Le code de Sainteté élaboré après l’Exil au 5e s. av. J-C., précise au chapitre 23 du Lévitique l’ordonnancement et le déroulement de ces fêtes en les situant dans le calendrier liturgique du second temple (reconstruit à partir de 520-515 av. J-C.) avec le Sabbat, le Yom Kippour, le premier jour de l’année (Lv 23 est lui-même complété par Nb 9 et Nb 28-29). Pour la Pâque, le Lévitique confirme l’association du rite de Pâque avec celui des Pains sans Levain. La fête des Semaines (Moissons) est associée à l’équité et au respect du droit de glanage. Dieu a fait d’Israël un peuple prospère le faisant passer d’un pain de misère à un pain d’abondance. C’est aussi dans le Lévitique (Lv 23,23-43) que Soukkot est liée à la commémoration du séjour d’Israël au désert (voir aussi Néh 8,13-18 à la fin du 5e siècle). Ce texte reflète le renouveau progressif de la pratique cultuelle au temps du judaïsme du deuxième temple, dont le chapitre 12 de l’Exode est aussi l’écho.

Seul texte sur la Pâque en dehors des codes législatifs, le long épisode du chapitre 12 de l’Exode achève le récit de la lutte contre l’Égypte avec les dix plaies et précède le récit de la délivrance d’Égypte. Par cette place, les rédacteurs du Pentateuque au 5e siècle av. J-C. ont voulu accorder une importance première à la Pâque par rapport aux autres fêtes et lui donner une autorité indiscutable en tant que commémoration de la sortie d’Égypte et fondation d’Israël. On notera que cette fête est célébrée dans chaque maison. Le texte d’Exode 12 s’adresse à chaque famille israélite et rappelle la nécessité de célébrer cet événement fondateur partout où elle se trouve, en Judée aussi bien qu’en diaspora. Aux côtés du sabbat, la célébration de la Pâque devient l’une des institutions majeures qui structurent le judaïsme naissant à l’époque postexilique.

 

Conclusion 

Ce parcours montre comment de vieilles traditions ont été progressivement historicisées, notamment au moment où la communauté juive s’est reconstruite après l’Exil. Les trois fêtes à la lointaine origine agro-nomade deviennent l’aide-mémoire indispensable des événements fondateurs d’Israël avant son entrée en Canaan. Trois moments décisifs, la sortie d’Égypte, le don de la Torah au Sinaï et le séjour au désert pour éclairer l’existence et signifier à chacun le compagnonnage salutaire et bienveillant de Dieu dans l’histoire.

Ce mouvement d’actualisation ne s’arrête pas là, les auteurs du Nouveau Testament le poursuivent autour d’un autre événement : Jésus, le Christ ressuscité.

 

Dany Nocquet


Interview

Les fêtes juives aujourd’hui

 

LP s’est entretenu avec Cora Cohen-Azria, maître de conférences à l’université Lille 3, sur ce qu’évoquent, pour elle, les fêtes religieuses.

 

LP : Pouvez-vous tout d’abord nous dire votre histoire dans la religion juive ?

 

CC : Ma famille est séfarade[1], originaire du Maroc et de la Tunisie. Mes parents se sont installés à Marseille. Mon père a créé une communauté à Bouc-Bel-Air (13) en invitant d’abord des connaissances juives pour le shabbat et il a constitué un annuaire des juifs des environs. Les réunions se sont multipliées en maintenant la vie religieuse, le rabbin venant pour les fêtes et mon père étant l’officiant et dix ans plus tard, une synagogue a été bâtie. J’ai aussi fait partie d’un groupe de scouts et je peux dire que j’ai donc toujours baigné dans la religion et le respect des règles propres à cette religion.

Mes parents ont ensuite vécu à Lisbonne puis maintenant à Nice tandis que moi, j’étais à Paris et maintenant à Lille. Différents milieux juifs me sont donc familiers.

 

LP : Y a-t-il une hiérarchie dans les fêtes, certaines seraient-elles plus importantes que d’autres ?

 

CC : Pour moi, la fête la plus « importante » est shabbat. En effet, elle n’est pas de l’ordre de l’exceptionnel, on maintient ainsi un rite dans le quotidien. Le fait de pratiquer le shabbat implique donc que l’on accordera la même importance aux autres fêtes. 

 

LP : Pouvez-vous nous parler de quelques fêtes, de leur signification et des rites qui y sont associés ?

 

CC : Tout est écrit : les règles, les prières, les traditions, les repas… Les fêtes sont toutes associées à un sens particulier, soit un fait biblique, soit à un ou plusieurs moments qui symbolisent la vie de la communauté. Ce sont donc des rassemblements de la communauté autour d’une histoire commune. Dès que dix hommes juifs de plus de treize ans sont réunis la cérémonie peut avoir lieu.

La plupart des fêtes imposent le repos (l’absence de travail, quel qu’il soit) et la prière.

Comme j’ai parlé de Shabbat comme la fête par excellence, je vais en parler plus longuement : Shabbat commence la veille et dure 25 heures. En famille, on allume une bougie en récitant une bénédiction pour introduire Shabbat dans la maison. On se rend à la synagogue où a lieu le Kiddouch (sanctification) sur le vin. De retour à la maison, après l'ablution rituelle des mains, il y a une bénédiction sur le vin et sur le pain. Les repas sont joyeux. C'est la cérémonie de la Havdala, à la synagogue, qui crée le passage entre le moment saint et le quotidien. À la maison, Shabbat se termine par le Kiddouch sur le vin et sur les épices parce qu’il est dit que certaines personnes s’évanouissaient durant le passage et qu’on les réveillaient avec des épices. Pendant ce temps, on allume aussi une bougie pour faire sortir la fête, on regarde ses ongles à la lumière, symbole de pureté ;

En ce qui concerne les autres fêtes, Kippour est celle qui rassemble le plus de monde, et même ceux qui ne pratiquent pas toutes les fêtes. Il faut souvent louer des cinémas, des salles dans des hôtels pour pouvoir célébrer les offices. Ce n’est pas le lieu qui a de l’importance mais c’est l’apport de la Torah (qui est souvent le don d’une personne) et ce que l’on met dans la prière. C’est un jour solennel mais non festif. La clôture de Kippour correspond au moment où Dieu inscrit les noms sur le livre de vie. Viennent ensuite Pessah, Rosh ashana parmi les fêtes les plus suivies des pratiquants occasionnels (car j’ai précisé que pour ceux qui suivent Shabbat, toutes les autres fêtes sont pratiquées)…

Pour Hanoucca, il n’y a pas d’obligation d’aller à la synagogue. Depuis peu, on offre des cadeaux pour Hanoucca car la fête est proche de Noël.

La fête de Sim’hat Torah est une fête très agréable à vivre. Il n’y a pas de prière à la maison mais on se rend à la synagogue pour danser autour de la Torah, on lance des bonbons, c’est vraiment très joyeux. La Torah ne peut pas danser alors on La danse, on lui donne des jambes. Il y a également une fête à la synagogue, en dehors des fêtes officielles, le jour où arrive une nouvelle Torah, les autres Torah de la synagogue sortent pour l’accueillir.

Il y aurait vraiment encore énormément de choses à dire sur le sens des gestes que l’on accomplit, des prières et du lien avec la Torah et l’histoire du peuple d’Israël… mais cet entretien ne nous en laisse pas le temps.

 

LP : Merci de nous avoir donné cet éclairage personnel.



 

Entretien réalisé par Constance Daniel    



[1] Les séfarades (de l'hébreu Séfarad  : « Espagne  ») constituent une branche de la communauté juive qui suit la tradition liturgique espagnole (en particulier dans la pronociation des mots des prières

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