Etude biblique : les faux prophètes 8/10 (Deutéronome 18 ; Jérémie 23 ; 1 Rois 18)
LES FAUX PROPHÈTES
« Comment reconnaîtrons-nous que ce n’est pas une parole dite par le Seigneur ? » (Dt 18,21). C’est une question difficile que pose ici le livre du Deutéronome et la question est suffisamment grave pour que le châtiment réservé au faux prophète soit la mort (Dt 18,20). Pour tenter de répondre à cette question, voici quelques passages bibliques et quelques questions…
TEXTES
« Il ne se trouvera personne chez toi… pour interroger les oracles, pratiquer l’incantation, la magie, les enchantements et les charmes, recourir à la divination ou consulter les morts » (Dt 18,11-12).
« S’il dit Suivons et servons d’autres dieux, tu n’écouteras pas les paroles de ce prophète » (Dt 13,2-6).
« Mais chez les prophètes de Jérusalem, j'ai vu des choses horribles. Ils sont adultères, ils marchent dans le mensonge ; ils fortifient les mains des méchants… » (Jr 23,14).
« Ainsi parle l'Éternel des armées : n'écoutez pas les paroles des prophètes qui vous prophétisent ! Ils vous entraînent à des choses de néant ; ils disent les visions de leur cœur et non ce qui vient de la bouche de l'Éternel. Ils disent à ceux qui me méprisent : l'Éternel a dit vous aurez la paix ; et ils disent à tous ceux qui suivent les penchants de leur cœur il ne vous arrivera aucun mal » (Jr 23,16-17)
« Au moment de la présentation de l'offrande, Élie, le prophète, s'avança et dit : Éternel, Dieu d'Abraham, d'Isaac et d'Israël ! Que l'on sache aujourd'hui que tu es Dieu en Israël, que je suis ton serviteur et que j'ai fait toutes ces choses par ta parole ! Réponds-moi, Éternel, réponds-moi, afin que ce peuple reconnaisse que c'est toi, Éternel, qui es Dieu, et que c'est toi qui ramènes leur cœur ! Et le feu de l'Éternel tomba » (1R18,36-38).
« Si ce que le prophète dit au nom du Seigneur ne se produit pas… alors ce n’est pas une parole dite par le Seigneur » (Dt 18,22).
QUESTIONS
Quelles techniques ne sont pas utilisées par le vrai prophète ?
Quels comportements et quel types de propos permettent de reconnaître un faux prophète ?
Comment a posteriori distinguer un vrai d’un faux prophète ?
ÉLÉMENTS DE RÉPONSES
Les techniques mises en œuvre sont un premier critère pour reconnaître le faux prophète. C’est Dieu qui prend l’initiative de parler et non le prophète qui obtient une révélation par une technique appropriée ; le prophétisme juif met en évidence l’importance de la parole et se montre suspect à l’égard des visions et des songes. Pourtant Balaam, le devin, reçoit de Dieu la consigne de bénir Israël. Dans le premier livre de Samuel, verset 28, Samuel défunt parle au nom de Dieu grâce à l’évocation de son esprit par une magicienne…
Dans sa polémique contre les faux prophètes, Jérémie met en avant leur appât du gain. Cette critique peut être associée au reproche d’un discours flatteur qui vise à plaire à ceux qui les protègent et les rémunèrent. Les prophètes, fonctionnaires royaux, évitaient d’annoncer des choses désagréables pour le roi. Le faux prophète cherche à sécuriser le peuple et le roi, plutôt qu’à les interroger sur leur comportement. L’indépendance et le désintérêt du prophète sont donc des critères.
À plusieurs reprises dans l’Ancien Testament, des signes et prodiges attestent de l’authenticité d’une parole de Dieu. Ainsi au mont Carmel, Élie est confirmé comme prophète authentique par le feu du ciel face aux prophètes de Baal. Mais la confirmation par signes au chapitre 7 de l’Exode (versets 11 et 22) est réservée aux magiciens d’Égypte ! Les prophètes de Baal sont par définition de faux prophètes, et les adversaires d’Élie sont qualifiés de la sorte pour des raisons polémiques.
Les faux prophètes peuvent se reconnaître à leur comportement (adultère, menteur…), mais parfois Dieu brouille lui-même les cartes en envoyant un esprit de mensonge (cf. 1R 22,19-23). Il n’y a pas de critère absolu pour distinguer le vrai du faux.
POUR ALLER PLUS LOIN : CONTROVERSE HANANYA VS JÉRÉMIE
Que penser de Jérémie qui prêche la soumission à Babylone, Nabuchodonosor étant désigné comme « mon serviteur » (Jér 27,6) ! L’histoire d’Hananya va nous montrer comment le désir de faire une distinction entre les vrais et faux prophètes reste problématique.
« Jérémie, le prophète, répondit à Hananya, le prophète, en présence des sacrificateurs et de tout le peuple qui se tenaient dans la maison de l'Éternel. Jérémie, le prophète, dit : amen ! que l'Éternel fasse ainsi ! Que l'Éternel accomplisse les paroles que tu as prophétisées et qu'il fasse revenir de Babylone en ce lieu les ustensiles de la maison de l'Éternel et tous les captifs ! Seulement écoute cette parole que je prononce à tes oreilles et aux oreilles de tout le peuple : les prophètes qui ont paru avant moi et avant toi, dès les temps anciens, ont prophétisé contre des pays puissants et de grands royaumes la guerre, le malheur et la peste ; mais si un prophète prophétise la paix, c'est par l'accomplissement de ce qu'il prophétise qu'il sera reconnu comme véritablement envoyé par l'Éternel. Alors Hananya, le prophète, enleva le joug de dessus le cou de Jérémie, le prophète, et il le brisa. Et Hananya dit en présence de tout le peuple : ainsi parle l'Éternel C'est ainsi que, dans deux années, je briserai de dessus le cou de toutes les nations le joug de Nabuchodonosor, roi de Babylone. Et Jérémie, le prophète, s'en alla. Après que Hananya, le prophète, eut brisé le joug de dessus le cou de Jérémie, le prophète, la parole de l'Éternel fut adressée à Jérémie, en ces mots. Va, et dis à Hananya : ainsi parle l'Éternel, tu as brisé un joug de bois et tu auras à sa place un joug de fer. Car ainsi parle l'Éternel des armées, le Dieu d'Israël : je mets un joug de fer sur le cou de toutes ces nations, pour qu'elles soient asservies à Nabuchodonosor, roi de Babylone, et elles lui seront asservies ; je lui donne aussi les animaux des champs. Et Jérémie, le prophète, dit à Hananya, le prophète : Écoute, Hananya ! L'Éternel ne t'a point envoyé, et tu inspires à ce peuple une fausse confiance. C'est pourquoi ainsi parle l'Éternel : voici, je te chasse de la terre ; tu mourras cette année ; car tes paroles sont une révolte contre l'Éternel. Et Hananya, le prophète, mourut cette année-là, dans le septième mois » (Jr 28,5-17).
La traduction grecque qualifie Hananya de faux prophète, mais le texte hébreu s’en tient au nom courant de nabi, l’inspiré, comme pour Jérémie ! Jérémie semble avoir les traits du faux prophète. Ne se fait-il pas le partisan d’une puissance étrangère ? Ne met-il pas en doute la puissance du dieu d’Israël ? Hananya justifie l’oracle par un acte symbolique (Cf. 28,10-11) et Jérémie s’en va comme s’il était convaincu par cet acte symbolique ! Seule la fin du récit est favorable à Jérémie. Si le prophète ne parle pas au nom du Seigneur il mourra ! Ce qui arrive à Hananya !
Le récit d’Hananya doit nous mettre en garde contre tout jugement précipité. Nous disons aujourd’hui que Jérémie est un vrai prophète car nous connaissons le déroulement de l’histoire d’Israël, la catastrophe annoncée par Jérémie a bien eu lieu en 587, entraînant une seconde déportation et la puissance de Babylone ne sera brisée que cinquante ans plus tard. Mais ce sont des critères rétrospectifs ! Un vrai prophète ne se reconnaît qu’après sa mort un peu comme un grand artiste méconnu de son vivant. Parmi les prophètes, distinguer le vrai du faux ne relève d’aucune procédure pour dire quand Dieu parle et quand il est absent. Nous ne pouvons qu’être attentifs et prêts à nous interpeller nous-mêmes, peut-être là où nous l’attendons le moins !
É. Deheunynck