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Le blog de Liens protestants, le journal protestant du nord

Protestants et moines (janvier 2012)

2 Février 2012 , Rédigé par Liens protestants Publié dans #2012

Éditorial

 

 

Le protestant et le moinenumérisation0001

  

Le mois de janvier est celui de l’unité des chrétiens e  t des rencontres œcuméniques. Ces célébrations et la création d’une fraternité œcuménique de sœurs à Lomme nous ont amenés à poser la question des relations entre le  pr otestantisme et le monachisme. Des trois grandes branches du christianisme, le protestantisme est la seule à avoir connu une rupture avec le mouvement monastique. Luther, pourtant initialement moine augustin, est à l’origine de cette rupture entre le protestantisme et le monachisme de son temps. Mais des communautés protestantes apparaissent dès le XIXe siècle. Mal perçues par les Églises de la Réforme, elles mettent d’abord en avant leur action diaconale. Mais elles s’affirment comme un fer de lance de l’œcuménisme après 1945. Les communautés religieuses protestantes font désormais parties du paysage réformé. Ces communautés incarnent à la fois la radicalité de l’Évangile, l’exigence œcuménique et la nécessité d’un ressourcement spirituel. 

Ce dossier a logiquement laissé la parole aux différentes dénominations chrétiennes. Philippe Henne, professeur de patristique à la faculté catholique de théologie a accepté de nous présenter le monachisme chrétien au fil des siècles. Frances Hiller de l’Église anglicane nous présente les communautés religieuses anglicanes. Les sœurs réformées de la fraternité œcuménique de Lomme ont accepté d’être interviewées.

 

Un grand merci à ceux qui ont participé à ce numéro, bonne lecture et bonne année 2012 à tous.

 

 


 

  SOMMAIRE

 

Interview

une courte histoire du monachisme (Philippe Henne)

Luther, le moine défroqué

Les ordres religieux anglicans

Protestants en communautés

Extraits de la règle de Reully

 

 


Interview

 

RENCONTRE AVEC SŒURS HÉLÈNE ET ARLETTE

 

LP : Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ? Comment êtes-vous devenue sœur ?

 

Sœur Hélène : Je suis née près de Genève dans une famille paysanne. J’étais l’ainée de quatre enfants. Mon léger handicap a eu des conséquences dans ma vie. Adolescente, j’ai reçu ma première Bible et j’ai été interpellée par une série de passages. Toujours aujourd’hui, il est important de ruminer la Parole. Ainsi lorsque Jacob se bat toute une nuit pour aller voir son frère, le récit se termine par : Il boite au matin et il est béni ! Y-a-t- il une bénédiction dans le handicap ?

Il y a aussi cette histoire de la femme qui a eu sept maris… de qui sera-t-elle l’épouse au paradis ? Et la réponse de Jésus est que la résurrection ce sera une autre manière d’être. La situation dernière sera la vie de ressuscité, tandis que la situation sur terre est différente : pour durer il faut se marier, prospérer, avoir des enfants… pour le ressuscité la question ne se pose plus. Ce passage m’a aidée à accepter le célibat. La vie en plénitude ne passe plus par le mariage et la descendance. La situation est vraiment différente dans l’islam. J’ai vécu trois ans en Algérie. Un voisin de la fraternité trouvait l’une des sœurs exceptionnelle et il était prêt à l’épouser, car sans mari elle n’irait pas au paradis… Il était donc prêt à l’épouser pour la sauver !

Dans ma quête d’absolu, certains passages m’ont interpellée. Je pense à ce moment où il est demandé aux disciples de quitter famille et maison à cause « du Christ et de l’Évangile ». L’engagement renvoie bien à une relation personnelle et à la Parole. En Jean 13, le récit du lavement des pieds, Jésus dit « je vous ai donné un exemple, afin que vous fassiez comme je vous ai fait ». À la relation verticale, il faut donc ajouter une relation horizontale. Cela me renvoie à la vie communautaire.

J’ai fait deux ans de théologie à Genève. J’ai rencontré un Malgache qui m’a incitée à contacter la Société des missions. Finalement on m’a proposé le Cameroun mais en raison des troubles au pays bamiléké, je ne suis pas partie au Cameroun ! En attendant on m’a envoyée pour deux mois à Grandchamp. Là j’étais comme un poisson dans l’eau. Fallait-il rester là ou partir ? J’ai ouvert ma Bible et je suis tombée sur le livre de Jonas. Jonas celui qui part à l’opposé de l’endroit où on l’envoie ! Au final j’ai écrit à la société des missions pour dire que je renonçais à partir. Je suis entrée dans la communauté de Grandchamp en 1961.

 

Sœur Arlette : Je suis issue d’une famille protestante, mon père réformé d’origine poitevine et ma mère luthérienne de Paris. J’ai eu une instruction religieuse à l’école du jeudi, à l’époque c’était le jeudi ! Ma jeunesse a été mouvementée en raison de la guerre et j’ai eu la foi difficile. Au moment de la confirmation, j’ai dit au pasteur : « Je ne peux pas faire ma confirmation ». Il était très à l’écoute et il m’a dit : « C’est parce que tu te poses ces questions qu’il est pour moi évident que Dieu te parle.

Tu prends les choses beaucoup plus au sérieux que d’autres du groupe qui paraissent plus mûrs ». Il ne m’a pas forcée mais j’ai continué à réfléchir. J’ai lu ma Bible et j’ai découvert que j’avais une vraie tendresse pour la Parole de Dieu ce qui a été confirmé par plusieurs personnes. J’ai fait ma confirmation. Ensuite j’ai suivi des études d’infirmière. Comme il y avait une diaconesse dans ma famille, j’ai fait mes études chez les diaconesses de Paris et là en moi le désir était de partir en mission. J’ai fait mon premier stage avec une sœur enthousiaste dans le service de chirurgie, très à l’écoute. J’avais toujours ce désir d’orienter ma vie. Diplôme en poche, j’ai travaillé deux ans à l’hôpital Foch de Suresnes, là je me reposais des questions et je suis entrée chez les diaconesses.

J’ai traversé des moments difficiles. Je n’ai jamais eu l’obéissance ni facile ni spontanée. On ne vous envoie pas toujours là où vous voulez être. Mais on trouve un sens là où l’on est. J’ai eu des ministères bénis par exemple au sein d’un groupe d’accueil en Charente (11 ans). J’ai été assistante de paroisse avec le pasteur Samuel Sahagian. Un homme exceptionnel qui a créé l’association France-Arménie pour reconstruire le pays après le tremblement de terre de 1988.

Je voudrais encore ajouter que l’amour de la Bible ne m’a jamais quittée. Au temps de la Réforme des gens sont morts pour que nous ayons les Écritures. Un verset du psaume 45 « écoute ma fille, le roi désire pour lui ta beauté » m’a longtemps intriguée. Qu’est ce que ça veut dire et puis ça a ensuite pris sens.

 

LP pourriez-vous nous présenter vos communautés d’origine ?

 

Sœur Hélène : Dans les années 30, l’impulsion est donnée par Geneviève Micheli, d’origine alsacienne, épouse d’un Genevois, veuve à 27 ans avec trois jeunes enfants. Elle a souhaité que les femmes aient une éducation spirituelle et a commencé par proposer des retraites. Elle préparait des journées pour des temps de silence et d’écoute de la Parole. En 1936 une chapelle est consacrée. Les réunions concernent les femmes mariées. Une célibataire reste dans la maison pour l’accueil puis elles sont deux, trois et ainsi est née la communauté. En 1952 les premières sœurs s’engagent. Il faut replacer la naissance de la communauté dans un contexte d’après-guerre avec l’affirmation du mouvement œcuménique et un réel renouveau liturgique. Le mouvement Église et liturgie a redécouvert des textes anciens. Cette liturgie a été reprise par nous-mêmes et par Taizé.

 

Sœur Arlette : Notre communauté est née en 1841 au moment où le protestantisme français cherchait son unité. Il fallait aussi canaliser les œuvres sociales qui apparaissaient dans ces temps difficiles. Caroline Malvesin a eu la vision d’un arbre enraciné. Il fallait d’abord enraciner la communauté puis les œuvres viendraient. Il fallait donc d’abord vivre du don de soi au Christ, vivre dans la prière et l’amour. De nombreux protestants ont mal réagi : vous retournez à Rome en créant une congrégation religieuse ! Le célibat, l’obéissance, la mise en commun des biens, c’était trop tôt !

Lorsque Caroline Malvesin a créé une communauté, elle a vite accentué le don de soi dans les œuvres. La vie communautaire, les réunions de prières n’étaient pas mises en avant. Les choses vont changer après la guerre. La création de la communauté de Taizé nous a aidées en particulier dans le domaine liturgique, Grandchamp également. Sœur Myriam en 1983 nous a offert notre règle à la fois poétique, pratique et précise.

Humanicité

LP : Pourriez-vous expliquer à nos lecteurs ce que vous vivez aujourd’hui dans la cadre de la fraternité œcuménique ? Qu’est-ce qui distingue une sœur catholique d’une protestante ?

 

Sœur Hélène : L’histoire nous distingue ! Si je coupe mes racines, mes possibilités d’avenir sont limitées ! Dans l’Église catholique il y a une continuité et des ajouts en particulier dans le domaine liturgique. Pour nous, sœurs protestantes, nous avons dû renouer avec nos racines et avec les Pères de l’Église. Le Moyen-âge nous nourrit peu, mais catholiques et protestantes puisent à la même source.

 

Sœur Arlette : L’origine de la fraternité est à chercher dans la rencontre de deux responsables de communauté, sœur Évangeline pour les diaconesses de Reuilly et sœur Anne-Marie pour les oblates de l’eucharistie. Au départ le projet porte sur une fédération d’œuvres unissant la maison Jean XXIII et les diaconesses de Reuilly. Mais le projet ne semble pas concevable sans la création à côté d’une communauté œcuménique. Évangeline a envoyé une sœur et Anne-Marie deux ou trois… D’où une ouverture à d’autres congrégations. Ont répondu à l’appel la communauté de Grandchamp et les carmélites non cloitrées.

Comme protestante, on se sent fragiles et un peu seules, mais nous sommes privilégiées à Lille d’avoir les deux pasteurs que nous avons. C’est un appui et un soutien.

Tout est à construire, chacune suit la règle de sa communauté. L’office est à inventer. Nous sommes parties de prières du temps présent, proche de l’office de Taizé, nous avons greffé des chants de nos communautés.

 

Sœur Hélène : On a une liste de psaumes et on prend le premier testament selon l’ancienne liste de Taizé. Pour l’évangile on suit la liste prévue pour les messes.

 

Sœur Arlette : On célèbre beaucoup les saints, on prend alors un évangile qui correspond au saint du jour. Je préfère des listes cursives.

 

Sœur Hélène : Nous sommes arrivées le 16 décembre 2010, à l’heure où nous parlons ça ne fait pas une année liturgique ! La fraternité est en construction.

 

LP : Merci de nous avoir accordé cet entretien

 

Propos recueillis par Éric Deheunynck

 

 

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