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Le blog de Liens protestants, le journal protestant du nord

Les protestants et le nazisme, en France et en Allemagne (mai 2006)

2 Août 2009 , Rédigé par Liens protestants Publié dans #2006

Éditorial

 

Les protestants et le nazisme

 

 

Il y a un an, lors d’un conseil de gestion du journal, un représentant de paroisse du bassin minier me donnait un dossier sur Marcel Heuzé, en me disant : vous en ferez ce que vous voudrez. M. Heuzé fut pasteur à Lens de 1926 à 1939 et a trouvé la mort au camp de concentration de Ravensbrück en 1945.

A l'époque l'idée germait de faire un numéro sur le protestantisme français pendant la Seconde guerre mondiale. Le cas du pasteur Heuzé venait compléter les données plus connues que l'on avait sur le rôle des protestants durant cette période. La résistance souvent non-violente des protestants français est aujourd’hui bien connue, qu'il s'agisse du rôle de la Cimade, de celui du pasteur Trocmé au Chambon-sur-Lignon ou des interventions du pasteur Boegner, président de la Fédération protestante de France. Mais ne risquons-nous pas de tomber dans l’autosatisfaction ?

Le nazisme est né dans un pays de tradition protestante. C’est dans le pays de Luther que se trouve la responsabilité historique du protestantisme. Ce numéro va donc élargir la question à l’Allemagne. Un grand nombre de protestants allemands, pour ne pas dire une majorité, a adhéré aux thèses nazies. La résistance de quelques-uns en est d’autant plus remarquable et leurs noms nous sont souvent familiers, tels Bonhoeffer, Barth et Tillich.

Ce numéro vise à rappeler les faits historiques de part et d’autre du Rhin, mais aussi à comprendre le comportement des uns et des autres. La théologie et l’histoire comptent autant que la conscience personnelle. Les protestants français qui ont une tradition de résistance et de la sympathie pour le peuple de l’Ancien testament, étaient sans doute mieux placés pour résister que les protestants allemands luthériens[1] traditionnellement soumis au pouvoir politique[2]

 

Bonne lecture à tous.

L.P.

 


[1] Les violents propos de Luther à l’égard des juifs furent repris par la propagande nazie.

[2] Cf. la théorie des deux règnes. 








Témoignage de Madame Heuzé

 

Mon mari, le pasteur Marcel Heuzé, a été arrêté chez lui, à Marseille, le 27 février 1943 vers 10 heures du matin. J’étais absente. Je suis rentrée vers midi et, par ma femme de ménage, j’ai appris les événements de la matinée.

Je n’ai jamais plus revu mon mari qui, amené à la prison Saint-Pierre de Marseille, est resté là trois mois. Quelles étaient les causes de son arrestation ?

            Quelques semaines après son arrestation, je recevais chez moi la visite d’un Commandant de l’Armée française que la Gestapo venait de libérer. Mon mari l’avait chargé de me raconter les détails suivants. Peu après l’évacuation brutale et inhumaine du quartier du Vieux Port à Marseille par les Allemands (fait que avait profondément affecté mon mari car il y avait dans ce quartier des familles de la paroisse), Marcel Heuzé avait été appelé à présider les obsèques d’une vieille dame de plus de 80 ans. C’était un enterrement de « première classe » et le pasteur était seul dans une petite voiture à cheval, précédant la famille dans une sorte d’omnibus. Un des brancards de la petite voiture se cassa. Les pompes funèbres lui demandèrent si cela ne le dérangeait pas de monter exceptionnellement dans la grande voiture de la famille affligée. Il accepta et se trouva devant les enfants de la morte, un fils et une fille, tous deux célibataires et qui pleuraient à chaudes larmes. Il tenta de les consoler en leur rappelant leur privilège d’avoir garder si longtemps leur mère et en leur disant de songer à des souffrances plus dures et moins dans l’ordre des choses, comme la souffrance des habitants du quartier du Vieux Port, chassés en quelques heures de leurs demeures par la brutalité hitlérienne. Or ce fils et cette fille étaient soi-disant alsaciens, mais en réalité pro allemands. Ils allèrent aussitôt dénoncer les propos tenus par Marcel Heuzé et dix jours plus tard environ, celui-ci était arrêté et son « instructeur » lui racontait l’histoire. Mon mari me faisait dire en même temps que je devais raconter la chose aux pasteurs de Marseille pour qu’ils aient à se méfier de ces gens. Ce que je fis en leur recommandant le secret le plus absolu. Je le racontais aussi à l’Évangéliste de Milianah, Melle Meissimily qui ne fut pas étonnée : étant allée voir ces gens, elle les avait trouvés très « montés » contre le pasteur. Elle comprit ainsi qu’on les avait remercié de leurs services : lui avait été nommé convoyeur dans le train du Travail Obligatoire (en Allemagne) et elle secrétaire dans un bureau allemand. À la libération, ils ont fui Marseille. De toutes façons, je n’aurais rien fait contre eux : j’attendais le retour de mon mari et au fond, je savais qu’il leur aurait pardonné. Que c’est-il passé pour lui ?

De Marseille, mon mari a pu me faire parvenir trois mots clandestins dans des bouchons de bouteille et deux lettres en soudoyant des gardiens, et un mot adressé au concierge du temple de la rue Grignan. Le 26 mai, il est parti ou arrivé à Compiègne et le 17 septembre, il est parti pour l’Allemagne.

De Compiègne, il a pu m’écrire quelques cartes officielles et de plus nombreux messages clandestins. C’est toute cette correspondance clandestine que nous transcrivons aujourd’hui.

D’Allemagne, je n’ai reçu que quelques rares cartes officielles, en allemand. Son adresse portait Buchenwald, mais en réalité, j’ai su par des rescapés qu’il n’avait fait que passer par Buchenwald, et que, dès octobre 1943, il avait été dirigé vers Dora. Il y est resté jusqu’au début d’avril 1945. À ce moment, il a été évacué avec ses camarades et amené après un voyage inhumain et interminable à Ravensbrück. Là, il est mort d’épuisement, probablement le 26 avril 1945.


Histoire

LES  PROTESTANTS ALLEMANDS

FACE AU NAZISME

 

Il n’est pas question pour nous de distribuer des bons et mauvais points, distinguant bons et mauvais protestants. Il s’agit plutôt de rappeler la responsabilité historique du protestantisme en Allemagne et de comprendre les comportements des uns et des autres.

 

I - LES NAZIS À LA CONQUÊTE DE L’ÉGLISE PROTESTANTE

 

1)      Hitler et les Églises protestantes

Depuis 1918 les Églises protestantes sont séparées de l’État. Le pays compte vingt-huit Églises territoriales (Landeskirchen) et trois confessions (unis, réformés et luthériens). Il existe une « Fédération des Églises protestantes allemandes », dirigée par un comité directeur tripartite. Traditionnellement les autorités civiles soutiennent l’Église et l’Église obéit aux autorités.

Hitler connaît mal les Églises protestantes, en particulier en raison de son éducation catholique. Ses objectifs en politique religieuse sont de réduire l’emprise du christianisme sur la société et de remplacer la foi chrétienne par l’idéologie nazie.

Mais pour accéder au pouvoir, Hitler doit aussi séduire les protestants. Il proclame que son parti est le meilleur allié du christianisme (contre le bolchevisme), demande aux nazis d’assister aux cérémonies, envoie des Bibles dédicacées et adresse un discours amical aux Églises protestantes. D’après lui, la victoire du nazisme serait même une chance pour le protestantisme de retrouver une place de choix dans la société allemande !

 

2)      Les chrétiens-allemands

Dès 1930, les protestants votent pour le parti nazi. On compte de plus en plus de nazis parmi les pasteurs et les étudiants (majoritaires ou non suivant les régions et les facultés). On appelle ces protestants nazis des « chrétiens-allemands » (Deutsche Christen). Ils reprennent une théologie de type nationaliste pour laquelle le « service de la patrie (État) est aussi service de Dieu ». Mais ils ajoutent une interprétation messianique d’Hitler qui devient l’envoyé de Dieu. De plus l’idéologie nazie s’introduit dans leur théologie. Les protestants nazis sont pour une religion « allemande », « déjudaïsée » et « purifiée ». Ils prônent l’antisémitisme et le culte de la force. Il faut donc abandonner l’Ancien Testament et expurger le Nouveau Testament des écrits du « rabbin Paul ». Il ne faut garder du Christ que la « figure héroïque de Jésus », en arrêtant de parler de ce dernier comme du crucifié !

 

3)      Unifier les Églises protestantes pour les contrôler 

Arrivé au pouvoir, Hitler souhaite unifier les Églises protestantes pour mieux les contrôler. Dès 1933 est créée une Église du Reich et un poste « d’évêque du Reich » (Reichsbischof). Lors des élections d’Église de juillet 1933, les chrétiens-allemands remportent 70 % des voix. Les pressions du pouvoir (voter contre les chrétiens allemands c’est voter contre l’Allemagne), les perquisitions de la Gestapo (saisie des bulletins de vote de l’opposition), l’appel d’Hitler (la veille du scrutin) expliquent un tel score. Pourtant deux paroisses votent massivement pour l’opposition (Berlin-Dahlen et Barmen-Gemanke). Mais l’Église protestante est désormais aux mains des nazis. Les jeunesses protestantes sont incorporées aux jeunesses hitlériennes dès 1933. Les pasteurs récalcitrants sont suspendus ou envoyés en camps. Toute critique du gouvernement de l’Église est interdite. Les pasteurs d’origine juive sont exclus. L’Église protestante se garde bien de critiquer le régime. Pour Hitler la question de l’Église protestante est réglée.

 

 

II - LES RÉSISTANCES PROTESTANTES

 

1)      Les premières réactions 

Certains pasteurs et théologiens vont dénoncer le nazisme avant même son arrivée au pouvoir. Dès 1930, la question nazie passe au premier plan dans la réflexion de Tillich qui voit la menace. Dans ses Dix thèses sur le national-socialisme (1932), il appelle le protestantisme à ne pas verser dans l’idéologie nazie. Le pasteur Karwehl, en 1931, dénonce l’antisémitisme, le totalitarisme et le messianisme germanique (il a lu Mein Kampf). Dietrich Bonhoeffer parle du Ver-führer (le séducteur, le tentateur).

 

2)      L’Église confessante

L’Église confessante (Bekennende Kirche) est fondée en 1934 avec la rédaction de la confession de foi de Barmen, par Barth[1] et deux collègues. C’est la première fois, depuis la Réforme que les Églises luthériennes, réformées et unies promulguent une déclaration théologique commune. Le conseil fraternel (direction provisoire) de l’Église confessante envoie un texte à Hitler, qui dénonce la mainmise nazie sur l’Église protestante, l’idéologie nazie, les camps et la Gestapo. Le texte est lu en chaire le 18 mai 1936.

Mais des divisions apparaissent. Faut-il simplement refuser la nazification de l’Église ou critiquer le régime ? Certains membres de l’Église confessante se trouvent au parti nazi et ne dénoncent que la mainmise du politique sur le religieux et se gardent bien de critiquer le régime. De plus l’Église confessante est désorganisée par les arrestations (Niemœller ; Bonhoeffer) et des exils (exil de Barth en Suisse). En 1937, les séminaires confessants sont fermés. Avec la mise en place de la dictature, toute résistance institutionnelle devient impossible.

 

3)      Quelques figures de résistants

Au départ Karl Barth prône une résistance au nom de l’Évangile et reste sur le terrain théologique. Il est hostile à toute théologie politique comme celle d’un Tillich. Mais progressivement Barth passe à une résistance politique. L’État nazi n’étant pas un état de droit, la doctrine des deux règnes[2] ne s’applique plus. En juin, Karl Barth est démis de ses fonctions et exilé à Bâle. En 1938, dans une lettre à un ami pragois, il écrit que lutter contre Hitler c’est lutter pour l’Église de Jésus-Christ.

Dietrich Bonhoeffer fait figure de martyr, c’est-à-dire de témoin jusqu’à la mort. Il a choisi le combat alors qu’il aurait pu rester à l’étranger, à Londres ou aux USA, mais « celui qui croit ne fuit point ». Face au nazisme, il s’engage dans une résistance politique et violente qui n’est pas sans lui poser des questions éthiques. On ne peut simplement aider les victimes de l’action de l’État, mais on doit aussi s’en prendre à la machine, « lui mettre des bâtons dans les roues ». Il est un des rares Allemands à espérer la défaite de son pays et à dénoncer le sort des juifs. Il participe à la résistance active dans l’Abwehr (service de contre-espionnage), fait partie du complot contre Hitler et assure le contact avec les Églises protestantes à l’étranger.

Il est d’abord arrêté, le 5 avril 1943, pour refus du service militaire et aide apportée aux juifs, mais lorsqu’il s’avère qu’il est un des membres du complot, il est pendu sur ordre personnel d’Hitler

Bien que séduit dans un premier temps par Hitler, Martin Niemœller s’engage dans la résistance. Il est le fondateur dès 1933 de l’Alliance pastorale de détresse (Pfarrernotbund), qui défend les pasteurs d’origine juive, et le fondateur de l'Église confessante. Il est arrêté en 1937 et déporté au camp de concentration de Sachsenhausen, puis en 1941 au camp de concentration de Dachau. Libéré des camps par la chute du régime nazi en 1945, il œuvre pour la reconstruction de l'Église protestante en Allemagne. Niemœller est l'un des instigateurs de la Confession de culpabilité (Stuttgarter Schuldbekenntnis) d'octobre 1945, dans laquelle l'Église protestante reconnaît qu'elle s'est, par action et omission, rendue « coupable » des atrocités propagées par les nazis.

 

CONCLUSION

La résistance protestante allemande est moins une lutte directe de l’Église contre le nazisme qu’une lutte interne à l’Église, une partie de celle-ci refusant la « nazification » de l’institution. La résistance politique fut rare, en partie en raison de la doctrine des deux règnes chère aux luthériens.

Nombre de théologiens se sont néanmoins situés dans la résistance, tels Barth, Tillich, Bonhoeffer et Bultmann. On peut noter que la question juive est rarement évoquée. Bonhoeffer fait à cet égard figure d’exception.

 

É. Deheunynck

 



[1] Barth aurait rédigé les six thèses pendant la sieste de ses collègues !

[2] Selon la doctrine des deux règnes, Dieu exerce un double règne :

- Le règne politique par lequel il gouverne l'univers où doit régner l'ordre, l'équité et la justice. Les autorités politiques détiennent ce pouvoir sur la personne physique. Celui qui s'oppose à l'autorité politique résiste à l'ordre que Dieu a établi (cf. Romains 13,1-7).

- Le règne spirituel que Dieu exerce par la prédication de l'Évangile. Ce pouvoir est exercé par l’Église sur les âmes et les consciences.

L'Église luthérienne insiste sur le fait que ces deux règnes doivent être distingués. Toute ingérence de l'État dans les affaires de l'Église, et inversement, doit être proscrite comme contraire à la volonté du Seigneur.

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H
Témoignage André GUYAUNNAUD, ancien déporté, pasteur ensuite et fils du pasteur Joseph GUYAUNNAUD de Montredon-Labessonnié (Tarn) à cette période: "Les Russes sont dangereux. Le pasteur Heuzé est arrivé très fatigué, car il avait voyagé dans un wagon de Russes, maintenant il est très malade. Je vais le voir, mais sa foi est admirable, il nous raconte son voyage et nous dit qu'il prie pour les Russes car, dit-il, « ils ne savent pas ce qu'ils font ».<br /> Nous ne resterons pas longtemps à Ravensbrück, les armées russes avancent trop vite, les Alliés aussi. Un jour nous allons repartir à pied ; au moment de franchir la porte, on transportait un mort, quelqu'un dit : « Mais c'est le pasteur Heuzé ! », je regarde. C'est bien lui. Il ne reverra pas Marseille, son foyer fraternel, sa femme, ses enfants. Dieu l'a libéré pour le camp éternel où « il n'y aura plus de deuil, ni cris, ni souffrance, car le monde ancien aura disparu et la mort ne sera plus » (Apocalypse 21/4).
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J
Il est certes légitime de distinguer antijudaïsme  critique des concepts, des idées ou des pratiques véhiculées par une religion, qui relève de la liberté d'expression , et antisémitisme  haine des personnes, d'un peuple. <br /> <br /> Le mot antisémitisme n'apparut qu'avec les théories racialistes du XIXème siècle. Pourtant considérer que le Moyen Age chrétien ne pratiquait que l'antijudaïsme, et non l'antisémitisme, revient à considérer qu'une chose n'existe pas tant qu'elle n'est pas nommée. Or la haine des Chrétiens contre les Juifs pouvant aller jusqu'aux violences physiques, est une réalité attestée depuis l'incendie de la synagogue de Callinicum au IVème siècle . Les écrits de Saint Jean Chrysostome, traitant dans son Adversus Judaeos les Juifs "de porcs, de boucs, de bêtes sauvages", et les synagogues de "maisons du diable et repères de bêtes impures", relevaient bien de la haine des personnes. De même les massacres des Juifs lors des Croisades. Il ne s'agit pas seulement d'un antijudaïsme théologique, mais d'un antisémitisme avant la lettre.<br /> <br /> Les théories racialistes du XIème siècle ne furent qu'un habillage pseudo-scientifique d'une haine ancestrale."La frontière entre racisme biologique, antijudaïsme populaire ou théologique, exprimant avec des arguments différents la même judéophobie, est bien floue, bien perméable […] Il est évident que ce n'est pas le terme « antisémitisme » qui a créé le concept exprimé par ce mot" résume Georges Nataf. <br /> <br /> Hannah Arendt propose elle aussi de distinguer entre l'antijudaïsme chrétien, de nature religieuse, et l'antisémitisme racial, reposant sur une argumentation biologique . Dans les deux cas pourtant, les arguments avancés ne sont pas des faits objectifs, mais des allégations, l'une théologique, l'autre pseudo-scientifique. Les deux visent à nourrir non pas tant la critique des croyances juives que la haine des Juifs. <br /> <br /> Le lien entre hérédité et religion est d'ailleurs consubstantiel au judaïsme, religion ethnique, qui se transmet par le sang. Au XVème siècle les lois sur la limpieza de sangre furent un dispositif raciste ante litteram, qui dévoilait la vraie nature ethnocentrique du combat mené au nom de la religion catholique. Il s’agissait, en d’autres termes, d’une politique raciste qui utilisait des arguments « conformes au système moral dominant » […] Lors de la persécution des marranes espagnols aux XVI /XVIIème siècles, "la grande majorité des victimes de l’Inquisition n’étaient pas des crypto-Juifs ou des moriscos qui pratiquaient en cachette leur ancienne foi, mais des nouveaux-chrétiens qui se considéraient catholiques et qui étaient perçus comme tels par leur environnement. Par conséquent, leur persécution ne tenait pas à leur religion mais à leur origine « impure » " . <br /> <br /> A la haine ancestrale contre les Juifs, les théories raciales et l'idéal-type de l'Aryen ne fournirent qu'un habillage "moderne". Comme le résume l'historien américain d'origine allemande George L. Mosse, "la pensée raciale vint au secours de l'antisémitisme religieux." Hitler lui-même écrivait : "Nous parlons de race juive par commodité de langage, car il n’y a pas à proprement parler, et du point de vue de la génétique, de race juive […] La race juive est avant tout une race mentale."
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L
Pour comprendre Todd il faut distinguer l’antisémitisme (moderne) de l’antijudaïsme (médiéval). L’antijudaïsme est de nature religieuse… Il est reproché aux juifs de ne pas reconnaitre le messie (cf synagogue aux yeux bandés de nos cathédrales), pire d’être responsables de sa mort (peuple déicide). <br /> L’antisémitisme apparait au 19ème siècle, il est lui de nature raciale… Être athée ou se convertir ne change donc rien…vous restez un juif. Les reproches faits aux juifs s’élargissent (complots, rapport à l’argent). L’antijudaïsme a préparé l’antisémitisme mais il faut distinguer l’un de l’autre.<br /> Les chrétiens ne furent pas tous antijuifs. On peut reconnaitre une utilité aux juifs qui maitrisent l’hébreu et connaissent les traditions juives… Ainsi Calvin était un philosémite. Bernard de Clairvaux quant à lui rappelait que les juifs étaient le corps et le sang du christ… il combattit avec succès les pogroms apparus lors de la troisième croisade qu’il prêcha… Il me semble également que les juifs furent protégés dans les états du pape (cf les juifs du pape).<br /> Bonnes vacances à vous
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J
Le sociologue Emmanuel Todd affirme: "L’effondrement de la foi chrétienne  et il précise quelques pages plus loin : de la foi protestante  fut nécessaire à la diffusion de l'idéologie antisémite moderne de masse. La religion chrétienne, protestante ou catholique, établissait trop bien la parenté du juif et du chrétien." Nombre de catholiques, comme Jean Sévillia, s'empareront de cette théorie pour déclarer : "C'est bien entendu l'Allemagne protestante, représentant les deux tiers de la population, qui aura porté Hitler au pouvoir"  faisant apparemment peu de cas du ralliement, pourtant décisif, du Zentrum à Hitler, puis du Concordat. Que l'Allemagne fût un pays chrétien, et plus spécifiquement protestant, et que la perte de crédit des autorités traditionnelles ait facilité la prise de pouvoir d'Hitler, cela relève de la lapalissade. Mais présenter l'effondrement de la foi chrétienne, ou protestante, comme cause de l'antisémitisme nazi omet singulièrement que l'antisémitisme fut inventé par le christianisme et promu par lui dans toute l'Europe jusqu'en 1940  catholiques et protestants confondus. La "parenté" qu'évoque Todd entre christianisme et judaïsme n'a pas empêché la succession de violences chrétiennes contre les Juifs depuis le IVème siècle , pas plus que la "parenté" entre catholicisme et protestantisme n'a empêché les guerres de religion ! Quant à la question de savoir si, au niveau individuel, les protestants étaient plus antisémites que les catholiques, elle apparaît bien secondaire. N'ayant pas de parti propre comparable au Zentrum, il est vrai que les protestants votèrent plus nombreux que les catholiques pour le parti nazi. Mais des deux côtés, la majorité était antisémite, des deux côtés l'indifférence l'emporta sur l’opposition aux violences antisémites, des deux côtés il y eut des opposants, mais ils furent rares. La catholique Bavière fut le berceau du nazisme. "L'antisémitisme est très répandu dans la Bavière de l'après[première]-guerre." C'est à Munich que la société secrète Thulé, qui inspira le mysticisme et l'idéologie nazis, prônait dès 1918 l'antisémitisme, l'antirépublicanisme, le paganisme et le racisme. C'est le Münchner Beobachter, rebaptisé en 1919 le Völkischer Beobachter, qui devint en 1920 l'organe de presse central du parti nazi. Les violences antisémites se répandent dans toute l'Allemagne dès la nomination d'Hitler au poste de chancelier le 30 janvier 1933, le premier meurtre antisémite nazi est enregistré en Bavière le 15 mars . Ian Kershaw résume l’ambigüité de la situation : "Avant 1939, les mesures antisémites ne suscitent pas d'enthousiasme (pas de réprobation non plus) dans la population ; paradoxalement les Allemands voyaient le Führer comme un facteur modérateur des débordements des membres du parti." <br /> Qu'en pensez-vous? Merci d'avance
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